Histoire :
Contexte :Kyuuden Akegata n’a pas toujours été appelé comme ça. Lorsqu’il était enfant, il portait le nom de Toraneko, « chat tigré ». Il est né dans une auberge du Kaze no Kuni. C’est au carrefour de trois grandes routes peu empruntées, à l’auberge du Cavalier Solitaire, qu’il a passé les premières années de sa vie. Son père était un chunin de Suna, mais il a déserté alors que Toraneko n’était encore qu’un bébé, face à des ninjas de Konoha. Sa mère a donc du assumer seule cet enfant, l’idéalisant comme le reflet de son père disparu, nourrissant ostensiblement l’espoir de le voir lui aussi intégrer, un jour, la prestigieuse académie ninja de Suna. Dans cet environnement pauvre et peu fréquenté, Toraneko a connu des jours plutôt mornes et ennuyeux ; il n’avait pas beaucoup l’occasion de sortir et de voir du monde. Par conséquent, pour se protéger de la médiocrité alentour, il s’est retrouvé replié sur lui-même, perdu dans sa solitude, versant peu à peu dans la misanthropie. Lorsqu’il devint un garçon en âge de tenir un kunaï, sa mère le pressa de préparer son examen genin. Il s’exécuta sans enthousiasme, ne suivant ses horaires d’entraînement que pour rompre avec la monotonie de la région.
Les Renards Gris :Un jour, vers ses onze ans, Toraneko eu la surprise de voir une maison close ouvrir ses portes dans cet endroit perdu au milieu de nulle part. C’était un événement si inattendu que tous les hommes en manque de sensations fortes se sont pressés à des kilomètres à la ronde pour participer à l’inauguration, et lorgner au passage sur les courtisanes qui y étaient employées. Parmi cette masse d’inconnus, Toraneko repéra assez rapidement une bande de jeunes gens à peine plus âgés que lui, de peut-être quatorze ou quinze ans environ. Il trouvait leur comportement étrange, alors il se mit à les observer machinalement. C’est alors que Yogozu, un braconnier des alentours, cria au vol lorsque l’un des jeunes voleurs tenta de lui soutirer sa bourse. Les brigands – car c’étaient des brigands, évidemment – s’enfuirent lorsqu’il sortit de sa charrette une arbalète qui lui servait à abattre le gros gibier, et il pointa son arme chargée sur l’un des fuyards. Toraneko, heureusement, portait toujours son matériel d’entraînement avec lui et eu le réflexe de lancer immédiatement un kunaï pour empêcher l’homme de tirer le projectile, mortel à une distance aussi rapprochée. Le kunaï blessa le braconnier à la main, celui-ci appela les gardes, et le jeune aspirant ninja n’eut pas d’autre choix que de prendre la fuite à son tour lorsque ces derniers partirent à sa poursuite. Alors qu’il se pensait acculé dans un cul de sac d’un hameau quelques kilomètres plus loin, une trappe habilement dissimulée dans un recoin sombre du mur s’ouvrit non loin.
« Hé ! Pssst ! Viens par ici, vite ! »
Toraneko sauta dans la trappe qui se referma derrière lui au moment précis où les soldats déboulaient dans la ruelle. Il examina la pièce dans laquelle il se trouvait, laissant peu à peu ses yeux s’habituer à l’obscurité : il s’agissait visiblement d’une petite cave, occupée par une demi-douzaine de personnes, les mêmes brigands qui avaient tenté de détrousser le chasseur un peu plus tôt.
« Tu te débrouilles bien avec un kunaï », remarqua l’un d’entre eux. « Tu es un genin ? ».
« Aspirant, pour le moment… » souffla Toraneko.
C’est ainsi que ce jeune garçon blasé rencontra pour la première fois la fameuse bande des Renards Gris de Kaze no Kuni, et qu’il en devint le plus jeune membre, mais pas le moins efficace. Les autres étaient habiles de leurs mains et connaissaient bien la région, mais aucun n’était aussi leste, aussi discret et ne maniait les armes aussi bien que lui. Sa vie changea assez rapidement de forme. La bande continua pendant plusieurs mois à opérer leurs petites rapines habituelles, sans soucis particuliers sinon un séjour de quelques semaines dans les geôles de Suna pour l’un d’entre eux qui n’avait pas été assez rapide à esquiver le coup de matraque d’un commerçant en colère. Toraneko, à vrai dire, se fichait du fruit de leurs rapines. Ce qui l’intéressait, c’était le sport et le goût du risque. Rien de bien méchant toutefois, jusqu’à ce qu’un jour, Mello, l’aîné du groupe, n’ait vent de la venue d’un riche marchand dans la région. Il proposa alors aux membres de la bande de « passer aux choses sérieuses », et il avait un plan. Il savait quand et où frapper pour pouvoir désarmer les gardes, s’emparer du butin et filer avant que la milice n’ait eu le temps de réagir. Les autres Renards Gris hésitèrent, certains émirent des protestations, mais tous donnèrent finalement leur accord et acceptèrent de participer à l’embuscade.
La rupture :Ce matin là, tout commençait bien pour eux. L’aspirant ninja avait bien quelques appréhensions, mais il parvenait à garder son sang-froid et à rester maître de lui-même. Bientôt, la caravane arriva en vue, et tout le monde se mit à son poste. Lorsque les chariots et la calèche – entièrement recouverte d’une tente pour protéger son occupant de la chaleur – où se reposait le marchand furent à portée, la bande des Renards Gris sortit de l’ombre et encercla en un clin d’œil le convoi. Les quelques hommes qui le protégeaient furent désarmés avec une étonnante facilité. Mello et deux autres bandits s’approchèrent de la calèche et déchirèrent le tissu qui le recouvrait de la pointe de leur sabre pour dévoiler son occupant. L’homme, d’une quarantaine d’années, avait une expression parfaitement neutre sur le visage.
« Alors, vieillard, on à besoin d’aide pour descendre ? Peut-être que ce serait plus facile pour vous si je vous débarrassais de toutes vos pierreries… » fit Mello d’un air narquois.
Les autres n’avaient pas encore comprit, mais Toraneko percevait très bien l’immense quantité de chakra dont disposait cet homme, il n’en avait jamais senti autant auparavant. Il s’agissait d’un ninja, et d’un puissant ninja. Le shinobi descendit sans se presser, et, d’un geste très lent, presque précieux, sortit son long katana de son fourreau.
« Oooh, quelle pièce remarquable ! Je me demande à combien nous pourrons le revendre, celui-là ? » fit un des bandits.
« Le vendre ? Tu plaisantes ? Cette arme est magnifique, on la gardera pour notre collection personnelle ! » trancha Mello. « Mais d’abord, vieillard, il va falloir que tu nous la donne. Tu risques de te blesser si tu… »
Il fut vite interrompu. En quelques gestes d’une vivacité hors du commun, le shinobi lui avait tranché le corps pratiquement de haut en bas. Les autres brigands tentèrent de réagir mais ils étaient trop lents : quelques secondes plus tard, leurs corps sans vie tombaient au sol, lacérés par la morsure glaciale de l’arme du shinobi. Toraneko, dans un élan de bravoure, se jeta en l’air et propulsa trois kunaï en direction de son adversaire. Le ninja croisa le regard du jeune aspirant pendant quelques secondes, et fit geste de la main fugace…
Les kunaï n’atteignirent jamais leur cible, qui s’évapora brusquement. Autour de l’apprenti shinobi, tout semblait différent : les sables semblaient rougeoyer, le soleil était obscurci par de sombres nuages, l’air lui-même n’avait plus le même goût.
« Que… ? » songea Toraneko, interloqué.
Les corps sans vie de ses compagnons d’armes furent brusquement agités de spasmes. L’aspirant se précipita auprès d’eux, espérant qu’ils ne souffraient que de légères blessures et que certains pourraient être sauvés. C’est un visage déformé par la terreur et la putréfaction qui se tourna alors vers lui : dans un baragouinement rauque, les non-morts se relevèrent et s’approchèrent avec un air belliqueux de Toraneko, qui n’en croyait pas ses yeux. Il sauta en arrière pour esquiver les attaques de leurs bras décharnés et griffus. Il glissa la main dans sa besace pour y attraper un kunaï, mais sentit un étrange contact froid, puis une morsure : un cobra serrait sa main entre ses crocs, faisant goutter le sang sur le sable mordoré. Le jeune garçon était épouvanté, tout semblait hors de contrôle, il n’avait jamais rien vu ni vécu de tel de toute sa vie. Il trancha le cobra à même les dents, puis tenta de prendre la fuite. Mais le poison fit rapidement effet, et ses forces le quittaient peu à peu. Les morts-vivants se rapprochaient, pas après pas, et une sourde terreur l’envahit. Il fit appel à ses dernières ressources de chakra pour continuer à marcher, vers l’auberge de sa mère. Des nuées de rapaces hideux se pressaient sur lui, lui becquetant les joues, le cuir chevelu, lui arrachant chaque parcelle de peau qu’il ne parvenait pas à protéger de ses mains. C’était atroce de douleur et d’épouvante.
La marche, sous un soleil de plomb, poursuivi par des créatures de terreur et en proie à des charognards qui semblaient provenir tout droit des enfers, était un supplice qui lui semblait durer depuis des jours, des mois, une éternité. Il lui arrivait de perdre connaissance. Ce n’étaient que des éclipses de quelques secondes à chaque fois, mais qui avaient goût d’éternité. Le garçon sentit des larmes de terreur et de douleur lui rouler sur les joues, lorsqu’il aperçut enfin l’auberge, non loin. En courant, il se précipita à l’intérieur, et referma la porte derrière lui. Il la barricada d’une solide planche et se mit en quête de sa mère, pour vérifier qu’elle allait bien. Le cœur battant la chamade, il inspecta chaque pièce de la bâtisse, pas après pas. Finalement il l’aperçut qui lui tournait le dos, faisant la vaisselle comme à son accoutumée. Elle se tourna vers lui… Pour dévoiler un visage de cauchemar, rongé par les asticots et la vermine, les cavités oculaires béantes et les os de la mâchoire dévoilées. Elle poussa un hurlement strident et sauta sur Toraneko. Celui-ci, hurlant à son tour, attrapa la première chose qui lui passait sous la main, une machette pour trancher la viande, et la frappa de toutes ses forces. Elle s’écroula au sol, mais lui, prit d’une sombre frénésie, ne s’arrêta pas de la frapper, encore et encore, jusqu’à ce qu’il ne reste pratiquement plus rien d’autre qu’une bouille ensanglantée au sol. Le jeune aspirant ninja s’affaissa alors au sol, sentant un sommeil surnaturel l’envahir.
Le genjutsu du shinobi prit alors fin.
Le village caché du Sable :Lorsque le jeune garçon rouvrit les yeux, il se trouvait dans une grande pièce immaculée. Une infirmière vint se pencher au dessus de lui et lui dit : « Bonjour, Kyuuden-San. Comment vous sentez-vous ? »
« Kyu… Kyuuden ? »
« Nous ne connaissions pas votre nom, et vous ne figurez pas sur les registres du village. Comme on vous a trouvé à l’aube, entouré d’une nuée de corbeaux, nous vous avons donné le nom de substitution de Kyuuden Akegata. Quel est votre vrai nom ?»
« Euh… Je… Je ne sais pas… Depuis combien de temps suis-je en train de dormir ? »
« Ca fait plus de trois jours ».
Kyuuden marqua un temps de silence. Il tenta de se rappeler…
« Ma mère ! Comment va ma mère ? »
L’infirmière afficha un air contrit.
« Je suis désolé, Kyuuden-san. Elle a été sauvagement assassinée par une bande de brigands, les « Renards Gris », qui l’ont apparemment agressée à l’aide d’une machette, avant de se donner la mort. Je suis navré… »
Choc. Les bras de Kyuuden furent soudainement pris d’un tremblement incontrôlable. Paradoxalement, il était incapable de se souvenir ne serait-ce que du visage de sa mère. Ni même de son ancienne vie, avant le passage dans le monde du genjutsu. Il avait subit un choc nerveux et physique tellement important qu’il en était ressorti traumatisé, définitivement. Il ferma alors les yeux et sombra dans un sommeil hanté de cauchemars.
Kyuuden Akegata – puisqu’il s’appelait ainsi désormais – passa les mois suivants seul, reclus dans son appartement que lui avait alloué la municipalité de Suna. Il mangeait peu, ne parlait jamais à qui que ce soit et passait son temps à ruminer et à recouper les maigres fragments de souvenirs qu’il lui restait. Puis vint l’habitude. Il devint véritablement une machine, se levant, mangeant, s’entraînant, dormant, à heures régulières et mécaniques. Après plusieurs mois passés ainsi à vivre en sociopathe misanthrope, Kyuuden revint peu à peu à la vie. Il comprit finalement ce qui s’était passé, mais il avait cessé de ressentir quoi que ce soit à ce sujet. Il réalisa à quel point son existence était devenue misérable depuis ce jour tragique, et décida de changer du tout pour le tout. Il reprendra ses études de ninja et deviendrait un véritable shinobi. Son nindo serait de s’ancrer dans la réalité, de ne pas perdre de vue ses objectifs, de ne pas se laisser distraire, de rester déterminé. Plus jamais il ne laissera une illusion faire basculer sa vie.
Quelques mois plus tard…Kyuuden a reprit son entraînement dans son nouveau village. Il y est resté sept nouvelles années ; intégrant les shinobis de Suna, suivant la voie de la discrétion. Au niveau vestimentaire, Kyuuden se contente de porter sa tunique habituelle : un pourpoint de tissu pourpre, enveloppée d’une cape et d’une capuche noire, renforcés de sangles et de pièces de cuir aux épaules, aux bras et au ventre. Quand il ne se sent pas d’humeur à discuter ou qu’il n’a pas le temps, il n’hésite pas à se masquer le visage et à rabattre sa capuche. Ca lui donne un air patibulaire que les villageois n’apprécient pas beaucoup.
Actuellement, Kyuuden vit au dernier étage d’une grande tour, dans les faubourgs de Suna. L’habitation est assez pauvrement équipée, mais le jeune shinobi apprécie beaucoup la vue, et peut passer des heures à contempler l’activité grouillante de la cité, quelques dizaines de mètres plus bas… Il y accède soit par les escaliers, soit directement en grimpant la façade, ce balcon en balcon. L’appartement n’est jamais fermé à clef ; de toutes manières Kyuuden ne possède rien qui ait vraiment de la valeur.
Kyuuden s’est habitué à nourrir régulièrement un corbeau qui vient parfois taper du bec à la fenêtre de son habitation. Il ne lui a pas donné de nom – encore une pratique dite « normale » qui lui paraît complètement aberrante – mais il s’y est attaché. Ce corbeau n’est pas dressé et ne lui obéit pas, mais il vient parfois se percher à son épaule, et Kyuuden sent régulièrement sa présence, non loin… Sinon, quand il a du temps libre, Kyuuden s’installe sur le toit d’un bâtiment et observe les gens dans la rue. Il tente d’analyser leurs conversations, pour ensuite pouvoir discuter de la même manière avec ceux qui pensent être ses proches. Il passe tout son temps à s’entraîner à faire semblant d’être normal, en quelque sorte. Lorsque la nuit tombe et qu’il n’y a plus personne, il peut enfin se risquer à sortir de l’ombre et commence à entraîner ses aptitudes de ninjutsu et de taijutsu. Lorsque l’Aube pointe, il grimpe parfois sur un rocher et observe les premiers rayons de soleil. Quelques fois, un vol noir de corbeaux est là pour lui rappeler qui il est et d’où il vient. Pas d’un hypothétique village civil, non... il vient d'un monde atroce de supplices et de terreurs, il vient du genjutsu infernal de ce terrible shinobi. Et un jour ou l’autre, il obtiendra sa revanche.