[Scenaristique] Requiem

Un sombre pressentiment. Le dernier des Kaguya se réveilla soudainement, le cœur en proie à l’un de ces pincements subits au coeur qui ne laissaient rien présager de bon. Pour Kimimaro, ce phénomène était presque devenu naturel. Il précédait chacune de ses crises, de plus en plus fréquentes ces derniers temps. Un filet de sang coula à la commissure de ses lèvres, confirmant ses pensées. Il l’essuya d’un revers de la main, n’y prêtant pas plus d’attention, et se redressa sur le lit de camp couvert de draps et couvertures, dans une pièce dépourvue de lumière. Cet abri dépouillé lui faisait office de domicile depuis maintenant un mois, mais il ne s’en plaignait pas. C’était bien plus agréable que la geôle qui lui avait servi de chambre durant son enfance, et de toute manière, le confort était un luxe qu’aucun combattant véritable ne recherchait.

La mort. Elle était présente, à ses côtés, depuis quelques mois maintenant. Il en avait prit pleinement conscience uniquement lors de sa rencontre avec ce fils de l’Entropie aux dons funestes, Ishigami. Sa rencontre avec le Kuejin avait été lourde de révélations, elle aussi. Mais le poids de ce funeste présage n’était rien comparé a celui qui en découlait, bien plus lourd de sens. Il était mourant, et en tant que tel, son temps était compté. Le temps était bien plus redoutable que la mort elle-même. On ne décidait pas du moment de sa mort, seulement de ce que l’on pouvait faire du temps qui nous était imparti. Et Kimimaro savait parfaitement ce qu’il voulait faire de ses derniers jours sur ce monde : servir Orochimaru. Toute sa vie, il avait attendu de rencontrer quelqu’un comme le Sannin légendaire, qui offrirait un sens à son existence. Cette personne, il l’avait trouvé, et il avait juré de la servir jusqu’au bout.

C’était la raison de sa présence en ce lieu sinistre. L’ennemi bougeait. Son rôle en tant que serviteur d’Orochimaru consistait à empêcher toute intrusion depuis la porte Nord, une fonction qu’il prenait très à cœur. Mais le glas de sa mort imminente troublait le Kaguya aujourd’hui, plus que d’ordinaire. Son rythme cardiaque, anormalement élevé, provoquait des sueurs froides sur la totalité de son corps. Une crise de toux fit bouger chacun de ses muscles, affaissant ses épaules durant quelques secondes. Du sang au creux de sa paume, Kimimaro se leva. Il contempla durant quelques secondes cette tâche pourpre, l’origine même de sa faiblesse, avant de l’écraser d’un geste sec, refermant son poing. Une faiblesse qu’il ne se pardonnait pas. Elle lui avait coûté la plus honorable des manières de servir son maître : lui offrir son corps.

La chose la plus utile qu’il pouvait faire de sa vie à présent, c’était surveiller une porte. Etre le gardien d’une stupide porte que jamais personne n’osait emprunter. A peine eut-il le temps d’achever cette pensée qu’une chose difforme défonça le mur. Il fit un bond de côté, ayant senti un grand mouvement de chakra fendant l’air, et évita de justesse l’énorme masse lumineuse qui venait de s’abattre sur son refuge, détruisant par la même occasion une bonne partie de la muraille qui le contenait.

Le Kaguya, sur le qui vive depuis son curieux réveil, observa avec stupeur la chose qui venait de défoncer son abri. Une énorme chose velue parcourue d’un courant électrique intense qui s’extirpa des décombres avant de gagner l’extérieur. Le juunin d’oto n’attendit guère plus longtemps avant de se frayer un chemin à son tour, observant quel genre de cataclysme pouvait bien s’abattre sur cette région d’ordinaire si tranquille. Devant ses yeux d’ordinaire si impassibles se dressait une créature sortie tout droit des enfers. Une hermine gigantesque au pelage parcouru d’éclairs, dotée de 6 queues fouettant l’air avec fureur. La créature poussa un hurlement strident qui sembla ébranler le monde. Kimimaro, impassible devant cette chose, se surprit à contempler sa splendeur. Ce n’était pas tous les jours qu’on avait l’occasion d’assister à pareil spectacle. Sa fascination muette failli lui coûter bien cher, car à nouveau la créature de fureur et de colère abattit sa rage sur l’immense muraille, défonçant un peu plus l’abri du Kaguya, qui eut d’autant plus de mal à esquiver à cause des premiers décombres. D’un bond sur le côté, il évita la queue, glissant longuement sur le sol poussiéreux avant de retrouver une certaine stabilité dans ses gestes.

Cette chose n’était pas humaine, mais elle restait un intrus. Le genre d’intrus qu’Orochimaru lui sommait d’abattre sans vergogne. Mais cette chose dégageait une puissance effroyable, que même le Kaguya, en dépit de son talent inconsidéré pour le combat et de la confiance qu’il accordait en ses capacités personnelles, ne pouvait négliger.

Qu’importe. C’était un risque à prendre. Tous les ennemis du grand serpent, et dieu sait qu’il y en avait beaucoup, ne pouvaient pas tous être des créatures faibles et insignifiantes jalousant son pouvoir. Ceci dit, la chose qui lui faisait face ne semblait pas vraiment du genre à avoir une liste de personnes à abattre. Selon Kimimaro, elle était plutôt enclin à laisser son instinct guider ses pas, et le sort avait voulu que le village caché du son soit sur la trajectoire du monstre, du moins cette partie reculée du territoire officiel de l’Inekage.

Avec un peu de chance, le Kaguya parviendrait ne serait ce qu’a dévier la chose de sa trajectoire, ce qui lui paraissait déjà être un exploit en soit, vu les quelques dizaines de mètres de hauteur du démon qui lui faisait face.

Pour toute réponse, il eut droit à un nouveau hurlement strident, accompagné d’une onde foudroyante qui se propagea sur toute la zone, désintégrant plus ou moins tout ce qui se trouvait aux alentours. Kimimaro eut beau chercher, rien ne lui permettait d’esquiver pareille attaque. L’onde s’approchait peu à peu de lui, semblant écraser tout élément du décor. Elle était présente dans l’air, jusqu'à une hauteur indéterminée mais certainement trop haute pour qu’un simple saut dispense notre amis aux os robustes d’en subir les effets, et semblait faire peu de cas de la terre qui se trouvait sous les pattes du monstre, ou encore du béton robuste qui entourait le Kaguya.

Une dernière option s’offrait à lui, quand ni l’esquive ni la protection via l’environnement n’était envisageable. En une concentration devenue réflexe, le Kaguya fit pousser une fine mais très robuste couche de cartilage sous sa peau. Le choc vint enfin, terrassant cruellement chacun des muscles du ninja d’Oto. Si la protection osseuse pouvait sans aucun doute protéger du pire des chocs physiques, elle ne pouvait rien contre la haute tension qui animait en cet instant chaque parcelle du corps du juunin. La foudre avait un effet physiologique redoutable, et Kimimaro venait de l’apprendre à ses dépends…