Demeure des Kurokotori

« On rentre ? »
« On rentre ! »
« Okaaaaay ! C’est parti ! »

Dans un concert d’éclats de rire, Mia et Shino se mirent à courir à toute vitesse vers la maison des Kurokotori. Elles cavalaient maladroitement entre les passants – plutôt rares, tout de même, à cette heure avancée de la nuit – et dérapaient toute les deux minutes. Shino réussit même à tomber à la renverse en rentrant dans un gamin de cinq ans qui eut la chance de jeter un œil dans son magnifique décolleté. Mais les deux Juunins riaient aux éclats. De toute manière, tout les amusaient car leurs esprits étaient engourdis par l’alcool. Elles s’étaient toute deux abruties au sake. Pour fuir et s’amuser plus qu’autre chose, mais cela leur avait fait du bien. Maintenant elles pouvaient rire de tout leur saoul, jusqu’à n’avoir plus un soupçon de voix, jusqu’à s’user les cordes vocales, mais elles pouvaient rire et s’amuser ; une dernière fois.
Shino avait été très gravement blessée durant une mission et ne pouvait plus redevenir ninja. Son corps ne le supporterait pas. Alors elle allait se marier, fonder une famille et s’éloigner de Mia. Celle-ci était très occupée avec ses entraînements ne pouvait que rarement se libérer pour s'amuser avec son amie. Alors si elles étaient toute les deux occupées, il devenait évident qu’elles ne pourraient plus se voir, ou si rarement.

La maison était en vue. C’était une grande batisse, plutôt belle sans tomber dans l’excès et à l’intérieur meublé et décoré avec le goût sûr des membres de la famille Kurokotori. Mia adorait cette maison et n’était pas près de partir, quand bien même devait-elle supporter ses parents.
En un instant, tous ceux qui dormaient d’un sommeil paisible furent réveillé par les caracolades de deux jeune filles de dix-neuf ans, redevenues gamines le temps d’un soir et qui hurlaient de rire comme des hystériques mais… euh non, ce n’est qu’un détail, ça.
Donc Shino et Mia étaient rentrées et la jeune maîtresse de maison avait demandé à ce qu’on prépare une chambre à son amie. Après s’être souhaité le bonsoir, elles étaient allées dans leurs chambres respectives – Shino étant amie de la famille, elle avait sa chambre attitrée. En regardant son amie partir, Mia sentit la fatigue lui tomber dessus d’un seul coup. Sans Shino – totalement immature et légère –, l’énergie de Mia s’amoindrissait considérablement et son extravagante frivolité replongeait à son état normal (c'est-à-dire, toujours extraordinairement extravagante mais à un niveau que tout le monde connaissait à la jeune Kurokotori) et laissait place à son caractère.
Mais passons, Mia entrait à son tour dans son immense chambre. Elle laissa choir sa robe à terre, détacha son impressionnante chevelure et se planta devant le miroir. Ses yeux d’or rencontrèrent deux pierres d’ambres perçantes. Elle sourit. Son cerveau était toujours aussi engourdi mais il ne pouvait nier sa beauté. Elle toisa son reflet. Tout de même, elle ne pouvait s’empêcher de se féliciter. Elle était narcissique, certes, c’était totalement malsain, certes, mais elle était belle. Elle avait la taille fine, le visage doux, les formes rondes et les yeux oscillants sans cesse entre l’or brillant de l’onyx et celui, bien plus pur, de l’ambre. Seule sa marque venait gâcher le tout… Elle éclata d’un rire sarcastique et tourna le dos à Narcisse pour s’enrouler dans ses draps de satin et rejoindre Morphée.

¤¤

Le vent était plaisant sur sa peau. Il était tiède, et elle pouvait l’entendre agiter les feuilles des arbres. Si c’était un rêve, c’était un rêve très plaisant. Mia ouvrit les yeux et jeta un œil à son environnement. Elle était allongée dans l’herbe drue et verte. Une rivière à l’eau claire, bordée de rocher, coulait juste à côté et, en tendant le bras, elle parvenait à plonger sa paume dans la fraîcheur du liquide. Cette fraîcheur lui fit prendre conscience de deux choses. La première, sa marque commençait à produire cette étrange brûlure mêlée de picotements, comme lorsqu’elle avait tué le ninja d’Oto. La deuxième, une désagréable impression de déjà-vu. Très désagréable.
Une seconde fois, le vent fit bruisser les feuilles. Ce n’est que là qu’elle comprit ce qui la dérangeait. Elle tressaillit.

La brume.
Une brume trop épaisse et dense pour être naturelle. Une brume comme celle du soir où elle avait assassinée son propre frère… Non ! Ne pas penser à lui ! Il fallait l’oublier ! (Elle faisait de gros efforts pour ne pas prononcer son nom.)
Elle ferma les yeux et ramena sa main pleine d’eau à sa tête pour s’asperger le visage. Puis elle replongea sa main pour verser l’eau sur la partie de sa marque qu’elle pouvait attendre mais stoppa net son geste, laissant couler le contenu de sa paume sur l’herbe. La jeune fille se redressa, s’appuyant sur ses coudes, et constata avec le plus grand étonnement qu’elle était de nouveau habillée mais absolument pas de la même robe que celle qu’elle venait de quitter. Une robe bien plus dispendieuse, bien plus lourde, bien plus longue… Le détail ne l’intrigua pas tant que ça – finalement – mais il retint assez bien son attention – bizarrement, mais Mia était bizarre et imprévisible – pour que la petite voix de la raison dans sa tête décide de s’éveiller et de prendre les choses en main. « Ce peut être dangereux ! Reste sur tes gardes ! Ce n’est peut-être pas qu’un rêve ! » Lui criait-elle, du fin fond de sa conscience. Mais Mia n’écoutait pas.
Une autre chose l’appelait, de façon bien plus puissante que la petite voix, et sa marque commençait sérieusement à l’incendier. Elle se leva entièrement.

Quelque chose l’attirait, au-delà de la brume. Un irrésistible murmure, apaisant, rassurant et chantant. Une magistrale mélodie contre laquelle la jeune Kurokotori ne pouvait lutter. Mais, avant tout, elle déchira d’un mouvement sec le milieu de son corsage, s’arrangeant pour que le tissu ne couvre plus les entrelacs noirs sur sa peau de porcelaine. La brise lui fit du bien, cependant pas encore assez. Elle se dirigea en courant vers le bruit de cascade, espérant pouvoir apaiser cette étrange combustion, à même sa peau.
Le vent fit mieux que ça. Non seulement il calma cet étrange feu mais il lui apporta de merveilleuses effluves, comme celle, si familière, de la nature humide ou celle de la brume, mi-douce, mi-salée, que la jeune fille appréciait tout particulièrement.
Mais elle arrivait déjà et ces senteurs disparurent avec le retour d’une allure plus lente. Elle ne s’en était pas rendu compte, mais en fait, elle n’avait fait – en suivant le bruit – que suivre un chemin de terre molle. La cascade commençait à se dessiner derrière la brume. Plus elle avançait vers l’eau, et plus les gens affluaient autour d’elle. Certains vifs, l’air inquiet, ou enchanté, d’autres, plus mornes ou blasés, qui semblaient spectraux… Sans aucune consistance… La vision lui fit froid dans le dos, aussi se détourna-t-elle rapidement. Le frisson la ramena à cette brûlure (ou picotements, elle ne faisait pas de différence) de sa marque, qui s’intensifiait plus à chaque pas. Malgré le froid des gouttelettes qui s’évaporaient littéralement sur sa peau, la douleur n’était pas amoindrie. Pourtant elle était encore supportable, mais la petite voix de la raison – qui s’était finalement rangée de son côté, elle n’avait pas eu le choix – lui soufflait que ce ne serait peut-être pas le cas dans quelques instants. Mais Mia n’écoutait jamais la voix de la raison (c’était bien connu) et décida de s’engager dans la cascade, pour passer de l’autre côté, d’où venait, de plus en plus puissante, l’attraction. Nan, d’accord, en fait elle faisait surtout ça par esprit de contradiction, pour ne pas obéir à la petite voix de la raison.
La jeune fille s’engagea donc sous la cascade.

Un couloir de ténèbres l’attendait de l’autre côté. Elle hésita à avancer plus mais la tentation était trop forte. Une main sur l’étrange et lisse paroi de pierre gelée, Mia se mit à marcher, d’abord prudemment, puis très rapidement, en étant presque à courir. La mélodie se faisait rapide, pressante, et il lui semblait que son rêve n’allait jamais se terminer si elle n’arrivait à pas au bout de ce couloir. D’ailleurs elle n’en voyait pas la fin, de ce fichu couloir. Elle dérapait sur les pierres humides et s’accrochait tant bien que mal à quelques accros qu’elle trouvait sur la roche. Tout cela l’énervait. Elle s’égratignait partout. Décidément, elle était superbement empotée dans ses rêves et la robe n’arrangeait rien. Maintenant, elle n’était plus déchirée seulement au niveau du ventre, mais tout le bas avait été réduit en lambeaux. La jeune fille s’apprêtait à lâcher un énième juron lorsqu’elle entr’aperçut une lumière. Mais qu’est-ce qu’elle était loin ! Si petite qu’on avait du mal à la distinguer. Mia poussa tout de même son juron et entreprit de courir, au risque de déraper et de se faire très très mal. De toute façon c’était un rêve. Juste un rêve.
Finalement, au bout de vingt minutes, elle arriva enfin à la lumière.

Le spectacle était impressionnant. Pas tant par sa grandeur, car l’endroit ne l’aurait pas permis – il était bien trop petit –, mais par son étrangeté. Il y avait là 10 personnes que Mia n’avait jamais vues de sa vie. 10 personnes. 10 personnes que la jeune fille était absolument certaine de n’avoir jamais croisées. De plus, dans les rêves, les traits étaient floutés, les visages imprécis, voire noirs, surtout lorsqu’on ne les a jamais vus, car le cerveau était incapable de produire lui même des choses, durant ces manifestations de l'inconscient. Aussi ne comprenait-elle pas et qualifiait in petto cette scène de spectaculaire. Avec elle, ils formaient presque un cercle, mais il manquait une personne. En détaillant les gens, Mia remarqua que personne n’était de Kiri. Il y avait Suna, Konoha, Kumo, même Oto ! Mais pas Kiri…
Elle était de plus en plus mal à l’aise, dans ce rêve. Faudrait qu’elle pense à engueuler Morphée. C’était pas bien de lui sortir des rêves où elle se sentait totalement paumée et où elle déchiquetait ses plus belles robes. Abruti de dieu.
Ce n’est qu’en arrivant à la jeune femme juste à droite d’elle (oui elle commence à compter par la gauche) qu’elle retrouva son bandeau favori. Une fille de Kiri ! Génial, elle se sentait mieux, maintenant. Toutefois, elle n’eut pas le temps de s’étendre plus sur cette jeune femme de Kiri, aux cheveux noirs et aux yeux gris car un dernier homme entra, aux cheveux bleus-gris, comme l’acier, et aux yeux bruns. Un autre de Kiri ! Merci Morphée.
Ils étaient maintenant 12, et le cercle paraissait complet. Enfin 12… 12 vivants et des centaines de… spectres… Derechef, le mot lui fit froid dans le dos.
Pour chasser ses peurs, elle fixa le sol, et fut très surprise.

En effet, à même la pierre était dessinée une forme que Mia connaissait extrêmement bien. Le Yin et le Yang, le symbole même de l’équilibre de l’humanité, de paix et de violence. La jeune fille fronça les sourcils. Mais ce n’était pas tant à cause du signe. Son dos, son côté droit et le son abdomen commençaient à brûler atrocement. Elle regretta son merci à Morphée et le maudit cent fois. Son corps était en feu, son cœur menaçait de cramer sous la chaleur. Les autres étaient pris des mêmes convulsions. Quelle poisse d’avoir une si grande marque ! Tout le haut de son corps semblait avoir été incendié. Il lui fallait sortir, tremper dans l’eau gelée du ruisseau, foncer au pôle nord, tout ce qu'elle voulait mais partir !
« Réveille-toi ! Réveille-toi immédiatement ! » Ordonnait la petite voix de la raison.
Non, c’était fini. Elle allait faire un arrêt cardiaque si la douleur s’intensifiait encore ! Mais elle n’avait pas terminé. Maintenant elle était certaine qu’elle allait faire un arrêt cardiaque. Ou bien elle fondrait, ou elle mourrait d’une autre manière mais elle mourrait, car cette douleur était littéralement insupportable.
Une voix résonnait dans son crâne alors qu’elle priait elle-ne-savait quel dieu d’abréger ses souffrances.

« Une fois… Une fois encore, levons-nous ! L’Aube se dessine au loin… Mais il n’y aura pas de… »

C’était fini.
Mia avait oublié qu’elle rêvait et voyait en ce retour aux ténèbres, une forme d’éternité. Mais alors qu’elle voulu fermer les yeux, oublieuse de la douleur, la mort la refusa et elle bascula vers la réalité, quittant Morphée.

La première chose qui lui fit ouvrir les yeux fut l’atroce douleur. Elle hurla. C’était plus qu’elle n’aurait jamais imaginé pouvoir supporter. Elle se leva tant bien que mal, dérapa sur le sol et s’écrasa contre le marbre blanc. La jeune fille poussa un soupir de soulagement. Le marbre était le matériau le plus froid qu’elle connaisse. Le sang battait contre ses tempes qui menaçaient d’exploser et son cœur prenait des allures de cheval de courses. Elle vomit un peu de sang.
La fraîcheur du marbre apaisa assez ses souffrances pour qu’elle puisse se lever. Elle couru jusqu’à la salle de bain à une vitesse folle, ses draps de satin enroulés autour d’elle et se plongea immédiatement dans le bain froid. Elle resta comme ça une ou deux minutes, les genoux repliés contre sa poitrine. Qu’est ce que c’était que ce rêve ?
Elle fatiguait, à force de tourner et retourner ce fruit de son inconscient et plongea la tête dans l’eau, étirant ses membres pour se retrouver allongée sur le sol du bain. Elle ferma les yeux et fit le vide dans sa tête. La brûlure s’apaisait doucement. Mais alors qu’elle commençait enfin à se sentir mieux, une main l’attira vers la surface, appuyant pile sur son épaule gauche. A peine avait-elle émergée que Mia envoya une gifle bien sentie à son bourreau, tout en s’efforçant de se débarrasser de l’étreinte qui décuplait son mal.

« Mia ! Mais ça va pas ?! Mais t’es complètement malade ! » S’exclama une voix, à la fois furieuse et inquiète.
« Shino ?! » Répondit l’intéressée en relevant la tête, très surprise.
« Mais espèce de folle ! Je savais pas que t’étais candidate au suicide ! Je t’ai entendue hurler ! Je me suis levée ! T’as pas le droit de mourir maintenant… ! »

Voilà. Ca s’était tout Shino. Hystérie Powa. Elle débitait un flot de paroles à une vitesse incroyable Mia ne comprenait qu’un mot sur six.

« …Franchement, tu te rends compte ! Faut pas te suicider ! J’peux t’aider si tu veux, hein ? Faut pas t’en faire ! On va tous t’aider, ok ? Tue-toi après mon mariage si tu veux mais alors pas avant !... »
« Euh… écoute Shino… Je n’essayais pas de me suicider. »
« …Vraiment, j’aurais jamais pensé ça de toi ! Amie pour la vie, tu te souviens de ça ?! … … … Ah bon ?! » Lâcha-t-elle, suspicieuse.
« Non, je calmais une brûlure. Et j’ai crié parce que j’avais fait un cauchemar… »
« Une brûlure ? Ta marque ? »
« Comment tu le sais ?! »
« Ben t’as la peau gonflée et toute rouge tout autour… C’est pas très compliqué… »
« Ah ! Euh… oui, sans doute. »
« Et pourquoi ça te brûle ? »
« Ahahaha ! Je sais pas du tout ! » Lança Mia en riant, retrouvant son humeur légère.
« Bon, te suicide pas pendant que j’te laisse toute seule, hein ? »
« Shino ! Je t’ai dit…»
« Oui ? »
« Nan, rien, laisse, c’est pas grave… » Soupira Mia, découragée, décidant que Shino était une vraie tête de mule et qu’il était inutile d’essayer de lui expliquer qu’elle ne tentait pas de mettre fin à ses jours.

La jeune femme sortit de la salle avec un regard d’avertissement à son amie et Mia replongea dans l’eau, prenant cependant garde à n’immerger que jusqu’au menton. Toutes ces personnes… Elle ne les avait jamais vues de sa vie, elle en était absolument certaine. Et puis la douleur était réelle, alors ce n’était pas qu’un rêve. Et pourquoi cette douleur ? Pourquoi elle ? Pourquoi ces gens ? La jeune fille n’en savait rien et ne pas savoir l’agaçait. Tout cela dépassait de loin son entendement. Or, elle détestait tout ce qu’elle ne comprenait pas. Poussant un soupir à fendre l’âme, la petite Kurokotori se releva et enjamba le bord du bain. Le mouvement étant un peu maladroit et engourdi par l’eau froide, la jambe frôla la pierre et Mia poussa un gémissement de douleur. Elle examina sa jambe, car ce genre de légers frottements n’étaient pas censés faire si mal, et découvrit une dizaine de petites égratignures. Les mêmes que celles qu’elle s’était faîtes dans son rêve.
C’en était bien trop. Elle sortit de la salle de bain, déterminée à retrouver les deux ninjas de Kiri, la fille et le garçon, pour savoir un peu s’ils avaient fait le même rêve. Tant pis si elle passait pour une folle à lier. Elle avait l’habitude.

La jeune fille sortit de la maison sous le regard ébahit de deux ou trois domestiques et se rendit brusquement compte qu’il n’était que cinq heures du matin.
D’accord.
La recherche attendrait un peu.

[Désolée, ça dépassait la limite autorisée ^^]

Invité

Très bon rêve. J'ai bien aimé !^^

Voici 12 XP en cadeau ! Razz

Lentement, très lentement, l’ombre avançait. Pas seule, bien sûr – elle n’aurait pas été en état. Elle était soutenue par deux personnes, visiblement inquiètes, et quelques autres les suivaient. L’ombre dormait à moitié. On devait quasiment la porter. Elle ne parlait pas, fermait les yeux et se laissait doucement emporter par le sommeil. Elle ne pouvait plus lutter pour garder les yeux ouverts.
Toute la maison était sous le choc.
Un groupe de domestique avait vu Kaï arriver ventre à terre, portant Mia sur son dos. Seulement, celle-ci semblait inerte, comme morte. Taro s’était précipité à la rencontre du loup et restait encore horrifié de l’état dans lequel il avait trouvé sa fille. Sa peau n’était plus blanche, mais translucide, son regard n’était plus doré mais jaune et sans éclats. Ses yeux étaient soulignés de profonds cernes et elle portait des traces de brulures aux poignets. Son pouls était plus que faible, et elle arrivait à peine à se maintenir sur le dos de l’animal. Son père l’avait rattrapée de justesse, juste avant qu’elle ne s’écroule sur le sol humide de l’aube. Satsuki avait été réveillée d’urgence et avait accourue pour aider son époux à transporter Mia à sa chambre.

Taro la portait littéralement à présent, comme lorsqu’elle était petite. Ses cheveux emmêlés balayaient le sol sans que personne n’y prête attention et personne ne voyait, dans ce noir d’encre qu’était la nuit, le sang qui avait séché sur le bord de ses lèvres. Les deux Kurokotori étaient abasourdis. Leur fille était partie pour devenir médical-nin et revenait dans un était critique, plus de trois jours après. Kaï était parti brusquement et avait fait le guet pendant plus de deux jours devant l’hôpital, sentant sans doute sa maîtresse en danger. Kiri était donc un village si cruel ? Devait-on risquer sa vie pour cela ? Devait-on laisser mourir sa progéniture pour ça ?
Et puis quoi encore… ?
Enfin, le cortège silencieux et presque morbide arrivait à la grande chambre de l’héritière. La jeune fille fut déposée sur son lit comme une poupée dans son landau, le tout dans un silence de mort. Toute la maisonnée restait tétanisée. Jamais on aurait imaginé la petite Mia revenir dans un tel état. C’était plus que révoltant et très inquiétant. Mais il n’était pas l’heure de parler.
Chacun se retira et on laissa la Juunin dormir en paix.

[2 jours de repos total -> 14 x 2 + 4 (Force) = 32 PV et 8 x 2 + 8 (Endurance) = 24 PC récupérés]

Mia ne se réveilla que deux jours après. Assoiffée et quasiment morte de faim, elle s’était dirigée vers les cuisines telle un zombie, maigre et stoïque, regardant sans les voir le jardin encore brillant de la rosée matinale, le parquet lustré sous ses pieds ou les battants coulissants aux pans de soie grise et claire. Elle ne dit aucun mot. Ni lorsqu’on lui adressa de joyeux bonjours et des vœux de rétablissement, ni lorsqu’on lui servit des plats exquis. La jeune fille se contenta de boire et manger sans manifester d’attention pour ceux qui l’entouraient et lui prodiguaient des soins. Après s’être restaurée, s’être lavée et avoir signifié à ses parents qu’elle était vivante, elle était partie se recoucher, encore faible. Tout le monde avait mis ça sur le compte de la fatigue et de l’état précaire dans lequel se trouvait la jeune fille et tous faisaient fausse route. Seule la principale concernée savait. Elle seule savait tout ce qu’elle avait dû endurer, les souffrances qu’elle avait supportées, la mort qui l’avait frôlée de si près et l’antichambre du paradis où elle avait retrouvé… Non, ne pas penser à ça. Surtout, ne pas se souvenir de ça. Oublier. Tout oublier. Pour toujours.
« Ca » lui avait brisé le cœur. Avant cette vision, son cœur ne représentait déjà plus qu’un trou béant, une blessure à vif toujours plus insupportable, mais maintenant… Maintenant elle n’avait plus ni cœur ni « cœur ». La blessure s’était agrandie et faite plus douloureuse encore, mais l’organe ne battait plus dans sa poitrine. Il n’y avait plus rien, elle ne le sentait plus. Illusion causée par le désespoir ou vérité, personne n’aurait su le dire sans avoir vérifié, mais le cerveau de la Juunin, son esprit ou son âme, ne ressentait plus la présence d’aucun cœur dans son corps. L’essence même de son être s’en était allée avec… Non. Oublier. Oublier et dormir.
Dormir…
A peine cette pensée l’effleura-t-elle qu’elle s’écroula sur le lit qu’elle avait atteint si laborieusement, marchant des cuisines à sa chambre, et elle plongea dans un profond sommeil.

~ ¤ ~

La brume allait-elle enfin se lever ?
Cela faisait déjà dix bonnes minutes que Mia observait la brume épaisse et ambiante mais elle ne se dissipait pas. Pire, elle restait parfaitement figée. Exactement comme une brume olfactive, créée de toutes pièces. Une affreuse impression de déjà vu lui nouait l’estomac mais elle avait beau chercher, elle ne trouvait pas d’où pouvait lui venir cette sensation. Plus elle prenait conscience de ce qui l’entourait, plus l’horrible impression s’intensifiait. Mais plus elle cherchait, plus la réponse lui échappait. Alors elle cessa de chercher et se concentra sur son environnement.
Malgré le brouillard dense, la jeune fille pouvait facilement identifier tout ce qui constituait le paysage autour d’elle. Elle sentait la douce caresse du vent sur sa peau, le chatouillement agréable de l’herbe sur son corps et entendait le clapotis joyeux d’un cours d’eau qu’elle pouvait atteindre en tendant le bras. Il n’y avait là rien d’anormal si ce n’était cette étrange et inquiétante brume.
Le bruissement des feuilles résonna dans le silence comme un avertissement pesant. Une fois, le vent agita les branches. Deux fois. Trois fois. Quatre fois… Cinq fois…

Le rêve.

C’était ça. Tout se déroulait comme dans son précédent rêve. Tout était exactement identique !
La brume se dissipait enfin, à l’instar du voile d’incertitude qui couvrait sa conscience et la Juunin reconnut le paysage devenu presque familier. La rivière, les pierres, le chemin… Les mêmes. La robe était la même, le début de brûlure de sa marque était le même… La brûlure !
Si le rêve recommençait, elle allait de nouveau être l’objet de cette douleur atroce et tout aussi insupportable que la torture de l’hôpital. Elle devait se réveiller. Maintenant ! La petite voix de la raison raisonnait déjà dans sa tête, et son corps – comme s’il ne lui obéissait plus – se mit à avancer seul, puis ses jambes à courir vers une cascade. Mais elle savait ce qu’il y avait derrière la cascade. Elle reconnaissait le chant mélodieux qui l’appelait. Il ne fallait pas y aller ! Les souffrances étaient trop atroces ! Non ! Elle ne voulait plus jamais souffrir ! Non ! Non !
NON !

L’image se dissipa.

~ ¤ ~

De nouveau, Mia était dans sa chambre, allongée dans ses draps de satin. Le soleil filtrait à travers les rideaux soulevés par le vent qui passait par la fenêtre ouverte. Il n’y avait personne dans la pièce.
La jeune fille se leva. Sans peine. Elle marcha jusqu’au balcon de sa démarche féline et légère. Elle sortit et huma l’air vif et frais de la matinée avec joie. La fatigue ne la submergeait plus comme un poids trop lourd à porter. Les souvenirs ne venaient plus la hanter pour lui rappeler les souffrances endurées. Il n’y avait que son énergie nouvelle. Elle sourit et rentra dans sa chambre, heureuse.
Rapidement, elle enfila une robe de coton léger et doux et partit d’un pas sautillant vers les cuisines, saluant tous ceux qu’elle croisait de bonjours chaleureux. Les domestiques la voyaient passer, plutôt éberlués mais contents de la voir retrouver sa gaieté habituelle.
Arrivée en cuisine, elle s’installa à une table et demanda qu’on lui serve un plat consistant et un grand verre d’eau. On s’exécuta et elle but et mangea d’un trait. Jamais elle ne s’était sentie aussi en forme qu’aujourd’hui. Et pourtant… Alors qu’elle allait partir, Satsuki entra dans la pièce.

- Oh ! Mia ! Tu es réveillée ! Ca va, tu n’as pas trop cauchemardé ? Lança-t-elle à sa fille en riant.

Ce fut encore plus refroidissant que si on lui avait balancé un seau d’eau glacée sur la tête. Le rêve lui revint brutalement en mémoire et sa mine s’obscurcit. Ce dut se remarquer car chacun baissa la tête et reprit son travail comme si de rien n’était, évitant soigneusement le regard de la jeune Kurokotori. Mais elle n’avait pas l’intention de passer ses nerfs sur quelqu’un. Un nouveau pressentiment l’assaillait. Jamais elle n’avait fait ce rêve par pur hasard…

[2 jours de repos total -> 14 x 2 + 4 (Force) = 32 PV et 8 x 2 + 8 (Endurance) = 24PC récupérés]

Cependant, sa confiance ébranlée ne l’aida pas à se remettre entièrement. Certes, son état s’était amélioré depuis l’épisode du « rêve », mais elle chancelait encore parfois dans des moments de fatigue incontrôlée. La maisonnée lui conseilla donc de se reposer encore quelques jours ; ce qu’elle fit sans plus de difficultés. Pourtant, elle n’avait plus le cœur à dormir trop, et elle passait son temps à arpenter la maison sans excitation et à s’installer dans le jardin, un livre à la main qu’elle parcourait sans réellement lire. Dans ces petits temps de tranquillité qu’elle s’accordait à l’ombre d’un saule, Mia observait avec délectation l’agitation de la maisonnée qu’elle avait souvent cru – bien trop à son goût, ces deux dernières semaines – ne jamais revoir. Elle regardait donc les domestiques aller et venir, nettoyer sans relâche et avec une détermination farouche le parquet déjà si lustré et ses parents passer des excès de batifolage aux – plus rares – moments de sérieux où leur fille les voyait travailler et s’occuper des affaires importantes liées à la demeure ou la famille. La famille, d’ailleurs, qui leur causait bien des soucis, mais la Juunin chassait bien vite cette pensée de son esprit pour aspirer à sa quiétude initiale.

Elle observait donc son foyer de l’intérieur, et cela l’amusait beaucoup, au point même qu’on la voyait rire seule et sans raison, et que bien des domestiques où des invités la fixaient d’un air d’incrédulité, sans comprendre. Mais Mia s’en fichait éperdument et continuait sans leur manifester plus d’intérêt à fixer son attention sur ses gens. Ceux-ci semblaient ne rien remarquer, ce qui rendait l’occupation encore plus distrayante. Elle les voyait ouvrir et fermer les pans coulissants, astiquer encore et encore le parquet reluisant ou porter des plateaux chargés de thés partout à travers la maison. Lorsqu’elle finissait par se lasser, ou était atteinte de migraines devant ces allers-retours incessants, la jeune fille fermait les yeux et écoutait le chant mélodieux des oiseaux perchés dans les branches des nombreux arbres du jardins ou laissait les fines gouttes de pluie s’abattrent sur son visage, avant de rentrer se coucher pour éviter de prendre froid.
Cela constituait à peu près ses activités les plus trépidantes et contribuait à son repos.

Durant deux jours entier, elle continua ainsi, s’accordant parfois une lecture qu’elle suivait avec assiduité jusqu’à ce que son cerveau et ses muscles las réclament qu’elle parte s’étendre ou dormir. Et ce ne fut qu’à l’aube du troisième jour qu’elle sentit enfin en s’éveillant que son repos était suffisant et qu’elle pouvait dès à présent se re-consacrer à des activités physiques plus fatigantes qu’arpenter les couloirs de sa maison ou faire les cents pas dans sa chambre… Mia était tellement heureuse qu’elle en avait presque oublié son pressentiment quant au rêve. Et, pour se remettre en forme, elle avait décidé de rendre une petite visite à Shino, dont le mariage approchait rapidement. Elle aurait mis sa main à couper que son amie allait l'entraîner dans une tournée des bars...

[2 jours de repos total -> 14 x 2 + 4 (Force) = 32 PV et 8 x 2 + 8 (Endurance) = 24PC récupérés
Bon, wala, maintenant j'ai fini, j'en ai marre x)]

» Fiche Technique de Mia Kurokotori [2]
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