Les formes partaient en tous sens, l’œuvre était immense. En taille et en puissance. Elle représentait la bataille du Pays du Vent. Ce traumatisme. Cette infamie. La mutinerie et la désertion de Faito avaient eut lieu ce jour là. Sculpture nous renvoyait à ce moment dramatique de l’histoire des arts Ninja et de ses pratiquants. Des heures terribles, de sang, de larmes. Le plus grand champ de mort que le monde ait vu. De plusieurs mètres sur plusieurs mètres, la sculpture prenait la moitié de l’atelier.
Au premier plan, il y avait des combattants. Leurs actions étaient diverses. Certains faisaient des signes ninjutsu, d’autres fuyaient. Certains, encore, avaient les mains posés sur leurs blessures, passant sûrement leurs derniers instants en ce monde. D’autres étaient à moitiés enterrés, visiblement morts. Les visages étaient grossiers, car le commanditaire de la création était un haut dignitaire de l’Etat, futur cadeau au noble dirigeant du pays. On voulait voir ici la gloire des soldats des Daymos.
Par contre, ils avaient tous la même expression. Ils pleuraient leur défaite. La fin d’un monde qu’ils considéraient comme juste. La fin de leurs vie, la fin de leur rêve. C’était un fait réel. Nombreux étaient ceux qui avaient luttés aveuglés de larmes. Une sale bataille, c’était chose sûre. Pourtant il fallait en chanter la gloire. Rude exercice.
Au second plan, les guerriers des Daymos. Armés de belles armures, d’armes de belles factures, ils tranchaient les ninja le torse bombé, la tête haute. Il y avait en eux une expression de joie dont la cruauté avait été poussée jusqu’à la limite du perceptible. Les traits fins de leurs visages, la propreté de leurs habits, vierges de taches de sang, étaient la marque d’une propagande artistique requise.
Le sol était faits de membres humains arrachés, esthétiquement entassé dans un chaos immonde mais magnifique. Par endroit, de petites pâquerettes rebelles, symboles ici de la renaissance. Les fonctionnaires y comprendraient l’annonciation du nouveau monde. Les révoltés introduits verraient leurs combats représentés. Une symbolique paradoxale. Typique du sculpteur.
En fond, des tentacules qui s’abattaient sur les ninjas. Celles-ci avaient été faites en terre dorée. Cette argile rare et chère était parsemée de poussière d’or. La marque d’un prestige incroyable. Si pour l’observateur cela semblait glorifiant, le forme choisie était plutôt péjorative. Chaque ventouse semblait former un visage sournois et malveillant, mais c’était très subjectif.
Faito regarda son œuvre. Elle le révulsait, et pourtant, elle était parfaite. L’un de ses plus beaux chef-d’œuvres, d’une finesse sans pareil. Cela satisferait son client, qui l’offrirait au Daymo. Celui-ci, s’il aimait, lui commanderait plusieurs sculptures. Le haut dignitaire arriva alors. Vêtu en beaux tissus, chaussé de cuir fin, coiffé d’un grand chapeau richement décoré. Equipé d’un ventre proéminant, il avait tout du lourdaud… Pourtant ses yeux, engouffrés dans des graisseuses paupières montraient un intérêt de connaisseur. Le Ragan le connaissait bien. Le gros bourgeois lui confiait de nombreuses informations sur ce qu’il se passait dans les sphères gouvernantes, lui demandant même souvent conseil.
Il toqua par politesse sur la porte de verre, bien que les deux protagonistes s’étaient vus depuis bien une minute. Outre une salutation, les premiers mots furent ceux-ci :
« MA-GNI-FI-QUE ! Tu n’as jamais été aussi fantastique, Faito-kun ! »
Une appréciation fort sympathique, venant d’un expert. Pourtant, Faito dut se déchirer pour réprimer une grimace. Cet homme, qu’il faisait semblant d’apprécier, représentait tout ce qu’il détestait. Un type qui faisait bombance sur la taxe, profitait de son exorbitant salaire pour acheter des œuvres d’arts à un prix exorbitant et de son temps libre pour se promener dans les galeries mondaines. Quand il ne se payait pas des filles, trop jeunes pour connaître même les détails de l’étendue du monde du sexe. Une merde.
« J’en suis assez heureux, en effet. Tu vas l’offrir au Daymo, alors ? Qu’est ce qui est en jeu ? »
Au boulot. La sympathie feinte commençait. Il devait en un gros quart d’heure obtenir le plus d’information possible. Pour ça, une technique déjà bien rodée. Un verre d’alcool de rose, une table sympathique de jardin, le soleil, une cour agréable. Le bruit du liquide se déposant dans son récipient soutint la réponse tant attendue :
« Une loi sur la mise à disposition des ninjas capturés. Ainsi, on trouverait de quoi renforcer nos caisse. Faire payer ces mises à dispositions, n’est-ce pas une idée géniale ? »
Quoi ? Le Daymo voulait mettre les ninjas captifs en esclavages, les revendant au plus offrant ? C’était ignoble. Faito acquiesça en souriant. Incroyable, c’était le mot. Incroyable était la félonie des décideurs, ici, à Yakushin.
« A plus long terme, nous comptons vendre les prisonniers aussi. Mais pour ça, nous menottes sont à revoir. Actuellement en métal spécial, les bracelets anti-chakra sont très efficaces. De plus, après les traitements psychologiques que nous préparons, il s’agira de véritables moutons... »
Faito était révulsé. C’était un immense pas en arrière. On revenait avant la première guerre ninja, là. L’entretien ne dura pas plus. L’interlocuteur regarda sa montre et conclue qu’il devait rentrer. Il salua en précisant que des livreurs allaient venir chercher l’œuvre. Raaaaaaaaaaaah… Le Ragan aurait tellement voulu en savoir plus….
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Jeu 20 Aoû - 0:05