Mission de rang D - Le convoi d'eau (Zackemius Korlash)

Méditer... cet espoir parut bien loin à Zack lorsqu'il se retrouva au milieu des bovins puants et des manoeuvres hurlant, des contremaîtres gueulant et du sable fouettant. Car bien qu'il fût l'"escorte" du convoi, on ne prêtait pas plus attention à lui qu’aux boeufs alignés.
Ravalant son dépit, il se contenta d'observer le mouvement. Le convoi approchait de la porte de Suna. Encore une heure ou deux avant de faire entrer l'eau. Un ninja spécialisé utilisait toutes ses ressources pour créer une protection pour l'eau l'empêchant de s'évaporer ou de tiédir et ainsi ramasser des microbes. Deux contremaîtres gardaient chacun une moitié de la caravane, engueulant les sous fifres (les manoeuvres) dès qu'un ballon oscillait. Les boeufs étaient alignés, deux par ballon, pour un total de 46 boeufs et 23 ballons de plusieurs centaines de litres.
Zack se demandait toujours pourquoi avait on assigné un genin à la protection de la caravane, sachant qu'elle était longue, l'empêchant ainsi d'en surveiller tout le développement, mais aussi que si des bandits attaquaient tel convoi, ils seraient sûrement à même d'écraser un pauvre ninja apprenti.

Quelle galère... en plus le soleil tape fort, malgré les nuages de sable. Je n'aurai tout de même pas démérité mes 40 ryos.

Un des contremaîtres s'approcha de lui, un sourire moqueur du haut de ses 100 kilos de muscles.

Contremaître: Alors, l'avorton. On fait son boulot de gardien? Hahaha ! J'hallucine... ils ont pas compris que ça servait à rien? 13 ans que je fais ça, je n'ai jamais subi une seule attaque.

Zackemius: Oui mais il paraît que récemment, des exilés se sont regroupés en bande et attaquent les convois précieux. Or celui ci est autre que précieux.

Cependant, Zack n'en était pas moins d'accord avec le contremaître. Il se refusait juste à laisser cette brute l'enfoncer. L'autre haussa les épaules.

Bah ! Qu'ils viennent ces clodos, ils tâteront de mon poing!!

J'aimerais bien voir ça...

Zack fit volte face, pour se retrouver devant sept ninjas habillés en marron avec un insigne de suna cousu et déchiré sur leur torse: des exilés. Le contremaître émit un bruit ressemblant fortement à un gémissement de terreur et se baissa derrière Zack pour se protéger. Ce dernier n'était pas plus confiant, mais sa fierté lui commanda de ne pas bouger et de demander, d'un ton assuré:

Qui êtes vous et que voulez vous?

Le premier exilé qui avait parlé était un grand homme basané avec une large cicatrice à sa main gauche et un tic à l'oeil droit, qui le faisait se fermer souvent. Il reprit d'un ton mielleux peu accordé avec son apparence.

Exilé: Nous sommes les exilés dont vous parlez. Je crois que vous vous doutez de ce que nous voulons, mais ça n'importe pas.

Blessure de combat, tic nerveux... probablement traumatisme. Déclenchement de psychose possible, peut être même schizophrénie. Il est sûrement passé dans une explosion. Je penche pour la schizophrénie d'après le ton qu'il emploie. Pas de stress. Il n'a pas peur. Le fait qu'il soit exilé laisse à penser qu'il a subi le traumatisme alors qu'il était toujours à Suna. Il doit donc être vétéran et s'il commande ce groupe, c'est qu'il a un respect de type chef à subordonnés accordé tacitement par les autres... ou presque tous au moins.

Zack observa le reste de la troupe. Il y cherchait.... bingo! L'un des ninjas serrait un Kunai dans sa main gauche et regardait d'un air méprisant son chef, en se mordant la lèvre inférieure.
Remarquant que le convoi s'était stoppé, Zack, sans quitter des yeux les exilés, parla au contremaître.

Avancez avancez, le convoi ne doit pas être en retard.

L'un des exilés, une femme, sauta et se rétablit devant la caravane, arrêtant le mouvement. Le chef de la bande secoua la tête de manière saccadée.

Tut tut tut... pas si vite.

Zack soupira.

Mouais... je me doutais que c'était bien cela que vous vouliez.

Pour un oeil extérieur, la situation pouvait avoir du comique: une large troupe d'hommes se terrait devant un groupuscule de cinq sans abris habillés en loques.
De plus près cependant, Zack réfléchissait intensément à ses options. Il prit une décision cinq secondes et demi après avoir commencé à réfléchir. Il se tourna vers les autres ninjas et leur parla d'un ton impérieux.

Vous, restez en retrait.

Il désigna l'homme qui semblait antipathique envers le chef.

Toi, va t-en, tu n'es qu'un minable peu digne d'entendre ce que ton patron et moi avons à nous dire.

Il avait intentionnellement appuyé les mots "minable" et "patron". La réaction fut celle qu'il espérait: les exilés reculèrent, très surpris du changement de ton du genin et de cette autorité qui émanait de lui. L'homme insulté se ressaisit plus vite que les autres et, bouillant de rage, fit mine d'avancer pour trucider Zack.
Son chef l'arrêta de la main, comme le jeune genin le prévoyait.

Attends. Il m'intéresse, le môme, file.

Parfait, songea Zack.

L'autre resta interdit, sur ses positions, son kunai à la main, la face rouge contrastant littéralement avec son habit beige. Le chef ne sembla pas détourner son attention de Zack. Ce dernier décida d'attendre avant de pousser l'ultime coup qui ferait tourner la situation à son avantage. Il décida de reprendre le ton de la diplomatie.

Je suppose que le combat n'est pas votre point d'intérêt. Sinon vous nous auriez attaqué par surprise.

Ouais. Rendez vous simplement, et vous aurez une chance de vivre.

La raison coulait de source: les manoeuvres étaient nombreux; les exilés se seraient retrouvés a 10 contre 1 ce qui, même avec leurs capacités et l'effet de surprise, serait tout de même une considérable prise de risques. De plus, l'eau qu'ils convoitaient risquait de se répandre dans le sable durant la bataille.
Zack décida de tenter la persuasion.

Nous sommes à moins d'une heure de la porte de Suna. Les patrouilles sont fréquentes par ici. Vous avez mal calculé votre attaque... si vous ne partez pas vite, une équipe de Juunin vous tombera dessus, et je crois que vous ne vous faites pas plus d'illusions que moi quant à la résolution de l'escarmouche qui s'ensuivrait.

Deux des shinobis se regardèrent, puis observèrent les alentours, inquiets. Deux autres regardaient leur chef avec confiance. Le "maillon faible" de la bande (celui qui s'est fait insulter), bouillait toujours de rage. La fille qui bloquait le convoi semblait réévaluer leur position. Seul le chef resta impassible.

Tu mens. Tu vois ces deux dunes? Elles sont exactement à une heure et demi de la porte.

Zack s'y attendait. Il joua un autre de ses atouts.

Mon cher, vous semblez être un vétéran et vous n'avez sûrement pas approché la ville depuis longtemps. Depuis l'intensification du trafic marchand entre Konoha et Suna, et l'extension de la guilde marchande locale qui a fait pression sur l'administration, les patrouilles sont plus fréquentes et vont plus loin. La porte de Suna s'est "rapprochée".

Le chef de la bande sembla pensif, comme s'il analysait les dires du genin. Zack sut qu'il avait gagné lorsqu'il perçut le rapide coup d'oeil de l'exilé vers ses compagnons. Il décida alors d'utiliser l'"arme" qu'il s'était fait dans cette bande d'exilés.

Si vous ne me croyez pas, envoyez donc ce manant quelques dunes plus loin, pour voir s'il s'y fait bien dépecer comme je le prétend... ce ne sera pas une grosse perte, n'est ce pas?

La réaction de l'homme insulté était tellement prévisible que Zack en aurait presque rit. Il bondit en avant sur le genin. Son chef fut plus rapide et lui asséna un coup de pied magistral qui l'envoya valser, le nez en sang et le menton broyé, contre une dune. Le kunai que l'autre tenait tomba dans le sable. L'occasion que Zack espérait se présenta. Avant même que les autres ne détachent leurs regards de l'homme à terre, il se rua sur l'arme, la saisit et frappa un coup bref dans la colonne vertébrale du chef, avant de le retourner et de placer son kunai sous sa gorge, en tenant de son autre main les deux bras de l'homme, coincés à angle dans son dos.
Le chef ne cacha pas sa surprise et sa détresse. Zack en profita.

Si vous croyez que je ne vous tuerai pas, vous faites erreur. Nous sommes prêt à nous défendre et cela signifiait, depuis le début, que nous étions prêts à vous massacrer si l'occasion s'en présentait.

Il fit un bref signe de tête au contremaître.

Amenez une poutre de bois et de la corde.

Puis, à la fille qui bloquait le convoi.

Dégage ou je le trucide... ton bien aimé.

Il sut qu'il avait tapé juste encore une fois lorsqu'il la vit ciller et baisser son arme.
Son analyse quant à elle avait été brève mais efficace: d'après son jeune âge, elle avait probablement grandi avec un groupe de nomades ou d'exilés pour se retrouver là. Il était possible aussi qu'elle fût capturée en bas âge et éduquée par un exilé. Zack avait misé que cet exilé était le chef de la bande.
A parti de là, il avait supputé que si la fille servait son kidnappeur sans que celui ci ne semble douter d'elle, cela indiquait qu'il y avait une forte probabilité qu'il se trouvât en présence d'un cas de syndrome de Stockholm, terme qu'il avait apprit durant son enfance en occident et qui désignait le lien se créant parfois entre un kidnappeur et sa victime. L'exilée était donc amoureuse ou du moins très liée affectivement au chef.
Zack venait ainsi de retourner la situation à son avantage en contrôlant au moins trois des sept exilés.

La situation, bien que critique, restait indécise. D'une part les exilés, mieux préparés à combattre, mais peu nombreux, de l'autre les hommes du convois, qui s'étaient retrouvés un peu de courage en voyant le chef de la bande ennemie en mauvaise posture. Une quinzaine de manoeuvres s'étaient mis en rang derrière Zack et croisaient les bras, prêt à se battre.
Le contremaître revint peu après avec un large morceau de bois et de la corde. Zack s'écarta un peu de son prisonnier, tout en gardant le Kunai sur sa nuque.

Bien. Enroulez les cordes autours du bois, aux deux extrémités de la planche.

Le contremaître s'exécuta, nouant de solides noeuds au bois.

Maintenant, amenez la planche derrière lui et attachez une main à chaque extrémité.

L'homme fut ainsi maintenu, les deux mains écartées pour l'empêcher de faire des jutsus. Zack garda le Kunai prêt à frapper et s'adressa aux autres exilés avec le même ton de commandement qu'il avait utilisé auparavant.

Reculez. Détachez vos ceintures d'armes et tenez les à bout de bras, vers l'arrière.

Les exilés hésitèrent, sauf la fille qui obéit et jeta un regard mauvais à ses compagnons. Le chef, sans bouger et en ouvrant à peine la bouche, leur ordonna d'obéir. Avec réticence, ils détachèrent leur ceinturon et le gardèrent dans la main. Zack réprima un sourire satisfait.

On va avancer le convoi. Vous n'aurez qu'à nous suivre si vous voulez. On vous rendra votre chef lorsque nous serons arrivés à une patrouille.

Le convoi se mit en marche. Deux des exilés se détachèrent pour reprendre l'homme blessé à terre et le ramener. Les autres suivirent le mouvement. La tension restait palpable, malgré le boucan que faisait la caravane pour avancer. Les exilés ne perdaient pas du vue Zack et le chef, attendant un faux pas.
Mais il n'en fut rien et bientôt, l'on put distinguer la silhouette noire à l'horizon de la porte de Suna. Puis peu après, un groupe de deux Chuunins et un Juunin se présentèrent. Ils remarquèrent le convoi et s'approchèrent. Ils virent alors les exilés et le genin qui leur faisait face.
Les ninjas de Suna s'arrêtèrent, sur le qui-vive, pendant que la caravane continuait d'avancer. Zackemius, qui commençait à avoir des crampes aux bras et à la main, retint un long soupir de soulagement. Le Juunin s'approcha de lui.

Un problème?

Presque... mais je tiens leur chef. Je leur ai promis de les laisser repartir une fois que nous aurions atteint une patrouille.

Le Juunin haussa un sourcil et évalua d'un air dédaigneux les exilés.

Bah, on va leur donner une leçon vite fait.

Zack secoua la tête et relâcha le chef en lui donnant un coup de pied.

Ça ne sert à rien. Je crois qu'ils ont compris le message. Ils ne resteront plus à Suna.

Le Juunin haussa les épaules.

Comme tu veux. On vous escorte jusqu'à la ville.

Zack acquiesça, soulagé que ce fût fini.
Les exilés aidèrent leur chef à se détacher, puis ils se regroupèrent et partirent à toute allure dans le désert. Peu de temps après, il atteignirent la porte de Suna, puis enfin la ville. Là, Zack se sépara du convoi, sa mission accomplie. Le Contremaître lui flanqua une tape amicale dans le dos.

Hahaha ! Bravo ! Je ne me moquerai plus des genins de sitôt ! Vous leur avez donné une bonne leçon à ces exilés !

Zack lâcha enfin le long soupir qu'il retenait et s'essuya le front.

Ouais... on a eu de la chance... ils n'étaient pas très malins. Je doute que ce genre d'occasion se représente.

Bah, maintenant, on aura sûrement une escorte pour ce genre de convois désormais... autre qu'un seul genin.

Zack acquiesça, puis il prit congé, fatigué, à moitié sourd et ayant plus chaud que s'il eût été maintenu sur une plaque de plomb toute la journée, au soleil.


-Fin de la mission-